La blockchain et les crypto-monnaies au programme des grandes écoles

HEC et Polytechnique ont lancé un parcours de 50 heures mêlant théorie et pratique tandis que la Sorbonne prépare un master dédié à la finance technologique pour la rentrée 2019.

Demandez à une start-up de la blockchain ou des crypto-monnaies ce qui lui manque, elles vous répondra “un compte bancaire… et des compétences !”. Car si de nouveaux métiers sont apparus, comme l’ICO analyst, l’ingénieur blockchain, l’intégrateur altcoin (crypto-monnaies alternatives), la majorité des postes proposés restent vacants. “C’est très difficile de trouver des profils techniques compétents dans le milieu de la blockchain”, confirme Brian O’Hagan, responsable marketing de Coinhouse (ex-La Maison du Bitcoin). “Nous avons récemment recruté un ICO analyst mais il a dû se former tout seul.” Pour remédier à cette pénurie de compétences, le courtier en crypto-monnaies a signé un partenariat avec l’Ecole Polytechnique et HEC Paris. Depuis la rentrée 2018, les deux grandes écoles proposent un parcours de plus de 50 heures concocté par Coinhouse. Intitulé “Blockchain and cryptoassets”, il est réservé aux étudiants du MS Entrepreneurs de HEC Paris et du MSc Deep Tech de l’X.

Les 43 étudiants de cette première promotion (23 ingénieurs et 20 étudiants de HEC) assistent à des cours technologiques, économiques et juridiques dispensés par des professionnels sélectionnés par Coinhouse, comme Arthur Breitman, cofondateur de Tezos et polytechnicien, Jacques Favier, président de l’association du Cercle du Coin ou encore William O’Rorke, fondateur du cabinet d’avocats Blockchain Legal. “Les cours mélangent tous les étudiants car nous voulons sensibiliser les non-scientifiques aux sujets techniques et les ingénieurs aux sujets business”, souligne Bruno Martinaud, le responsable du programme. “Grâce à ce parcours, les étudiants qui sortiront des grandes écoles seront en mesure de répondre à des questions variées comme : c’est quoi une ICO ? Qu’est-ce qu’un bloc orphelin sur la blockchain ?”, illustre Brian O’Hagan.

Les cours théoriques s’étalent sur quatre mois et sont suivis d’un semestre d’échange à l’UC Berkeley (Californie). De retour en France, les étudiants devront réfléchir pendant deux mois à un projet entrepreneurial puis auront entre 5 et 6 mois pour le développer. Après ses 16 mois plongés dans la blockchain et la crypto, l’étudiant sera en mesure de monter son entreprise ou rejoindre une start-up. “Coinhouse pourra prendre des étudiants en stage ou en CDI”, confie Brian O’Hagan. Polytechnique et HEC Paris souhaitent pérenniser ce programme, délivrer un diplôme commun et attirer plus d’étudiants. “Il faut aller les chercher car tous les étudiants ne comprennent pas encore que la technologie blockchain amène de grands challenges et concerne plein de champs comme les transactions ou l’identité. Nous devons donc faire un gros travail de marketing pour leur expliquer tout ça”, indique Bruno Martinaud. L’internationalisation du parcours est aussi dans la to-do du directeur de master. “Nous voulons accueillir des étudiants étrangers car même si nous mélangeons déjà des profils différents, ils ont relativement les mêmes modèles de pensées.”

Le cas de HEC Paris et Polytechnique n’est pas isolé. L’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne lancera en septembre 2019 un master en alternance intitulé Finance Technology Data, qui sera notamment composé d’un cours technique sur la blockchain. “Les étudiants apprendront à coder une blockchain et à créer leur propre crypto-monnaie car nous pensons que c’est la meilleure façon de comprendre le fonctionnement de la blockchain publique (Bitcoin, Ethereum…, ndlr)”, dévoile Olena Havrylchyk, en charge du futur master. Deux cours sur les crypto-monnaies seront également dispensés sous deux angles : monétaire et business.

Le cours sur la régulation des fintech et celui sur la datascience intégreront des volets crypto. “Nous allons varier les points de vue sur un même sujet et faire intervenir aussi bien des personnes de la Banque de France, que des professionnels du secteur pro-blockchain et crypto comme Franck Guiader (ancien de l’AMF et désormais head of innovation and fintech au cabinet Gide, ndlr)”, précise la professeure, qui réfléchit déjà à augmenter le nombre d’heures dédiées à la crypto pour ajouter des points de vue. Le master pourra accueillir une promotion de 20 étudiants. “Ce n’est pas beaucoup mais c’est parce que nous voulons être sûrs de trouver des contrats d’apprentissage à tous les étudiants. Dans l’univers de la blockchain, la Banque de France nous a déjà promis un poste en alternance”, confie-t-elle. L’institution française utilise la blockchain pour gérer son registre d’identifiants SEPA et travaille sur d’autres cas d’usage.  

Une association étudiante décentralisée
La crypto et la blockchain ne se diffusent pas dans les grandes écoles seulement via des cours. Un groupe de quatre étudiants de la Kedge Business School de Marseille a créé il y a un an une association qui organise des événements sur le secteur. Baptisé KryptoSphere, elle compte déjà une quinzaine d’événements à son actif dont des meet-up et des conférences… qui ne sont pas organisés au sein de l’école. “Au début, notre école ne comprenait pas pourquoi nous voulions parler de ces sujets et a trop tardé à nous répondre. Et les étudiants ne comprenaient pas non plus l’intérêt de la blockchain”, raconte Thibault Langlois-Berthelot, président de l’association. “Par conséquent, nous avons décidé d’organiser des événements dans des espaces de coworking. De plus en plus d’étudiants sont venus à nos conférences et l’école nous a même proposé de donner un cours.” L’association a ensuite ouvert deux antennes : une à Rennes School of Business et une à l’Ensae ParisTech. Une quatrième école parisienne rejoindra le club d’ici quelques jours. Au total, l’association compte 60 membres qui se partagent les idées, les bases de données… 

L’association diversifie ses activités et propose désormais des formations de trading. Elle va également créer un lab blockchain au sein de l’Ensae. L’objectif ? Proposer des prestations techniques comme la création de smart contracts. “Quand un élève aura une idée, il pourra demander de l’aide au lab. Ce sera gratuit pour un étudiant mais payant pour les professionnels qui souhaitent recourir à nos services”, explique le président de l’association.


Charlie Perreau – Lire la suite de cet article sur le JDN


Leave a Comment

Your email address will not be published. Required fields are marked *

*