« J’ai vite remarqué que les postes stratégiques à la City étaient réservés aux Anglais. Sauf le trading… »

La Finance : chaudron magique ou maléfique ?

Le soleil se lève péniblement dans la brume londonienne. Il est déjà 7h en ce mois d’automne, il est temps de prendre la direction du métro ; direction Canary Wharf. Cela fait déjà quelques mois que les anglais ont voté la sortie de l’Europe. Il est déjà difficile pour un français de passer par Waterloo tous les matins mais là, c’est le pompon !

Une grande période d’incertitude rentre dans ma vie sans crier gare. Une douce vague de doute s’empare de moi un peu plus chaque jour ; avais-je fait le bon choix en venant à la City. Mon job était passionnant certes, en plein cœur du système financier; j’étais un acteur à part entière du monde de la haute finance et je m’étais battu pour ça.

Au boulot, c’était branle-bas de combat :

– Fallait-il créer un centre de booking sur le vieux continent ?

– Fallait-il ériger de nouvelles entités légales pour continuer le business ?

– Quand serait le bon moment pour commencer ce vaste redéploiement de cartes ?

– Et où ?

– Avec qui ?

Les vieux briscards anglais aux manettes depuis plus de vingt ans ne l’entendaient pas de cette oreille. Je constate assez vite une minimisation du Brexit et de ses conséquences ; il ne faisait pas bon de parler du sujet dans les open spaces avec une vue trop continentale. La fin du passporting était un peu taboue et c’était un euphémisme…

Il faut dire qu’après plusieurs années dans les plus grandes institutions bancaires, j’ai vite remarqué que les postes stratégiques étaient réservés aux Anglais. Sauf, le trading ou je dirais la performance est l’unique indicateur de succès. Si vous ramenez du P&L, la banque se moque bien de votre nationalité. Le plafond de verre était donc plus présent pour les fonctions annexes ou supports. 

Cette frustration de ne pas pouvoir gravir les échelons assez rapidement me permis de changer assez fréquemment de banque, tous les deux/trois ans… La course au salaire, bonus, position faisaient partie de mon quotidien ; comme une spirale sans fin, comme un engrenage, comme un trou noir où les étoiles se trouvent irrémédiablement aspirées, je n’étais qu’une machine à gagner ! Rien ne pouvait m’arrêter dans la galaxie finance !

Mais l’Homme est-il vraiment fait pour être une machine, froide, sans état d’âme ?


Ingénieur de formation, Gabriel Lesuffleur a travaillé pour de grandes institutions bancaires françaises, anglaises et suisses. Il est l’auteur du roman Le Baiser de Dieu chez Edilivre Edition.


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